Question urgente de Anne Laffut
Salve de critiques ce mercredi dans la presse sur le système Titres-services, tant du
côté de Federgon que de la Fédération wallonne des entreprises d’insertion :
classement parmi les fonctions critiques plutôt que comme métier en pénurie, faible
activation des demandeurs d’emploi vers cette fonction par le Forem, image peu
flatteuse de la profession et de sa pénibilité, sous-financement du secteur.
Quelles mesures comptez-vous pendre pour répondre à ces critiques et améliorer le
système des titres-services ?
Article de la Libre-Belgique (23/11/2022) :
Manque de bras dans les titres-services : “C’est une fabrique à incapacité de
travail”
Vous cherchez une aide ménagère via le système des titres-services ? Vous aimeriez trouver une remplaçante à votre aide ménagère qui est malade ? Comme à beaucoup d’autres, on vous a sans doute répondu que ce n’était pas possible pour l’instant, que le secteur manquait de bras pour répondre à la demande des ménages.
Actuellement, aux quatre coins du pays, on manque cruellement d’aides ménagers (dont 98 % sont des femmes). “La pénurie est générale. Les sociétés que nous représentons pourraient engager immédiatement le personnel qui se présenterait” , commente Arnaud Le Grelle, directeur de Federgon, la fédération des entreprises privées prestataires de services en ressources humaines.
Des chiffres alarmants Du côté des entreprises d’insertion, qui constituent les autres grands acteurs du secteur, aux côtés des sociétés commerciales, le discours est le même. “Le manque de bras est très important, explique Jacques Rorive, directeur d’Initiatives, la fédération wallonne des entreprises d’insertion. Toutes nos entreprises sont en phase de recrutement. Toutes. Il y a de nouveaux clients qui ne sont pas servis. Et à cause de l’absentéisme important dans la profession, il faut engager des remplaçants.”
En Wallonie, le métier d’aide ménagère est classé parmi les fonctions critiques, c’est-à-dire celles pour lesquelles les employeurs peinent à recruter. Mais il ne figure pas parmi les métiers en pénurie, catégorie dans laquelle il existe en outre un manque de candidats correspondant au profil recherché. Pour Jacques Rorive, c’est “un gros problème” : “Les conseillers du Forem vont vite pour dire qu’une personne dispose des qualifications requises (NdlR : par exemple la capacité à travailler en autonomie). Le métier n’est donc pas considéré en pénurie, ce qui prive les demandeurs d’emploi et les travailleurs d’aides spécifiques.”
Autre problème, souligné par M. Le Grelle : “Les conseillers des organismes régionaux de l’emploi (Forem, Actiris, VDAB) n’activent pas suffisamment cette catégorie de demandeurs d’emploi par rapport au nombre d’offres disponibles. Seuls environ 10 % des demandeurs d’emploi seront activés et envoyés vers les entreprises.”
La profession souffre d’autres problèmes, à commencer par “une image peu flatteuse” , pointe Jacques Rorive. “Des études ont démontré la pénibilité du métier. C’est une fabrique à incapacité de travail, et même à invalidité, davantage que les autres métiers. C’est alarmant.”
En raison de cette pénibilité, mais aussi de la nécessité de concilier travail et vie de famille (souvent dans le chef de mères seules), les aides ménagères travaillent surtout à temps partiel. “À temps plein, c’est intenable, commente Jacques Rorive. Mais à temps partiel, le salaire est faible et la différence avec les allocations est mince. C’est aussi un frein pour travailler dans le secteur.”
Blanchiment et chômeurs de longue durée
Arnaud Le Grelle pointe aussi une évolution dans la population de travailleuses par rapport à il y a vingt ans, quand le dispositif des titres-services a été lancé. “À cette époque, on a fait du blanchiment de personnes qui étaient habituées à travailler au noir comme aides ménagères.
Aujourd’hui, on a davantage affaire à une population de chômeuses de longue durée ou avec des pathologies médicales. Quand on engage, on commence donc avec des volumes horaires restreints et on augmente progressivement si cela fonctionne. L’alimentation de la demande se fait donc plus lentement, ce qui renforce le phénomène de pénurie.” Pour redorer l’image de la profession, une campagne – “Aide ménager·e, c’est le job qui dit ‘merci’!” – a été lancée l’an dernier. “Des enquêtes menées auprès d’aides ménagères montrent qu’à ce niveau de qualification, c’est là qu’elles ont la meilleure valorisation , souligne Arnaud Le Grelle.
Nous travaillons aussi avec les écoles pour qu’elles orientent leurs élèves vers les particuliers, et pas exclusivement vers le nettoyage industriel.”
Pour Jacques Rorive, la revalorisation du métier est aussi une question budgétaire.
“Le secteur souffre d’un sous-financement, déplore-t-il . La valeur faciale du titre-service (9 ou 10 euros, NdlR) n’a pas changé malgré l’indexation. Donc les Régions paient de plus en plus, alors que c’est le fédéral qui bénéficie des retombées positives (augmentation des cotisations, baisse du chômage). Il faudrait refinancer les titres-services, afin d’augmenter le soutien aux travailleurs, réduire la pénibilité et ainsi améliorer l’image du métier.”
Laurent Gérard
Les entreprises de titres-services pourraient engager immédiatement du personnel. Mais elles ne trouvent pas suffisamment de candidats.
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